Les courants et organisations suivantes, membres du Front de Gauche, Convergences
et Alternative, Fédération pour une Alternative Sociale et Ecologique
incluant l’Association des Communistes Unitaires, Gauche
Anticapitaliste, Gauche Unitaire, ont engagé un processus de discussion et de vérification d’un possible rapprochement politique. Ce texte, résultat d’un premier travail collectif entre nos groupes d’animation, est versé au débat.
Une situation politique bouleversée
La
durée et l’approfondissement de la crise du capitalisme sont lourds de
dangers sur le plan social, démocratique et culturel, qui touchent tous
les aspects de la vie quotidienne. Elle s’accompagne d’une crise
écologique profonde, les logiques du profit maximal provoquant
réchauffement climatique, destruction de la biodiversité, épuisement
rapide des ressources naturelles. En Europe, le durcissement des
politiques d’austérité met les pays de la zone Euro au bord de
l’asphyxie. La précarité sévit à tous les niveaux (emploi, logement,
santé, éducation...) tandis que la cupidité des marchés financiers et
des actionnaires est de plus en plus insupportable. Les politiques mises
en oeuvre par les dirigeants libéraux, et sociaux-libéraux, de l’Union
européenne enfoncent les peuples et laminent les acquis sociaux et les
services publics, et elles provoquent d’immenses réactions populaires :
après la Grèce, c’est ensuite au Portugal et en Espagne que le peuple se
lève par millions, cherchant pour en sortir la voie d’une issue
politique.
En
France, le 6 mai 2012 constitue une défaite politique pour la droite
menée par Nicolas Sarkozy et pour les libéraux. Cette victoire
électorale de la gauche traduit la force des aspirations sociales qui
traversent le salariat, le refus des politiques d’austérité qui sont
infligées aux peuples d’Europe. Et la progression du Front de Gauche
dans cette échéance témoigne de la crédibilité croissante d’une
politique de gauche offensive et décomplexée.
Mais
les premiers mois du gouvernement Ayrault sont marqués par une
adaptation aux impératifs de la réduction des déficits publics et au
dogme de la compétitivité des entreprises. Au-delà de quelques effets
d’annonce et de quelques mesures positives, il impose pour l’essentiel
un rythme de réformes et d’initiatives politiques bien éloigné d’une
dynamique de « changement maintenant ». La question écologique est
marginalisée. F. Hollande annonce deux ans de rigueur débutés par un
plan de réduction des dépenses publiques de 10 milliards d’euros et des
mesures qui pénaliseront les salariés. La vague de licenciements
déclenchée par le patronat ne trouve pas de frein dans une politique
gouvernementale qui avoue son impuissance, à Florange comme à PSA ... L’
acceptation par le gouvernement du TSCG et sa ratification referment
encore plus le carcan libéral,
tandis que son ministre de l’intérieur, Manuel Valls, poursuit les
politiques sécuritaires antérieures et les expulsions, notamment des
Rroms.
La
clé de la situation actuelle se trouve dans la capacité du peuple, des
travailleurs, des chômeurs et des jeunes à entrer dans le jeu et à
remettre en cause cette logique d’adaptation à la gestion du
capitalisme. Il n’y a pas de conciliation possible entre les aspirations
à plus de justice et d’égalité et les politiques d’austérité destinées à
satisfaire les banques et les spéculateurs. C’est l’intervention
directe des salariés, par leurs propres mobilisations, par leur
organisation collective qui peut permettre de gagner de nouveaux droits
et stopper les reculs sociaux. Ce mouvement est déjà en route, pour
défendre les emplois détruits par des plans de licenciements, dans les
luttes pour le droit aux logements, dans la mobilisation des
travailleurs sans papiers pour leur régularisation… Le Front de Gauche
est pleinement partie prenante de la défaite de la droite, son but est
que cette victoire se concrétise maintenant par des mobilisations
populaires obtenant de nouveaux progrès sociaux,
ouvrant la perspective d'une autre logique que celle poursuivie par le
gouvernement actuel. C’est ainsi qu’on pourra faire reculer durablement
l’offensive actuelle du MEDEF et des marchés financiers, relayée par une
droite qui rêve déjà de son retour, et qui se radicalise en empruntant
de plus en plus ouvertement les thèmes xénophobes et réactionnaires du
Front National.
Pour
cela le Front de Gauche veut être l’instrument qui permette
l’implication populaire. C’est le rôle qu’il a joué en participant à la
campagne unitaire contre le Traité TSCG, proposant l’organisation d’une
manifestation nationale le 30 septembre. Partie prenante des
mobilisations sociales, le Front de Gauche cherche à faire émerger à
gauche une alternative politique qui permette une véritable rupture avec
les logiques libérales et productivistes et se confronte aux marchés
financiers. C’est pourquoi le Front de Gauche est à l’offensive pour
mener le débat avec toutes les forces de gauche, faire les propositions
d’action commune, pour contester l’hégémonie de l’orientation sociale
libérale qui domine encore aujourd’hui et qui ne permet pas de faire
face à la crise.
Le Front de Gauche, pour changer les rapports de force et gouverner à gauche pour rompre avec l’austérité.
Le Front de Gauche a franchi une étape et s’est installé en 2012 dans le paysage politique. La dynamique
de la campagne présidentielle a permis d'entrevoir la possibilité d'une
jonction entre des solutions politiques à gauche et les mobilisations
populaires (résultats électoraux, mobilisation militante très large,
rassemblements massifs de la Bastille, du Prado…), présence de secteurs
en lutte et combinaison de réponses sociales, démocratiques,
égalitaires). Les échéances législatives ont été plus difficiles,
dominées par la logique institutionnelle qui réduit l'enjeu à donner une
majorité au président élu et à écarter la droite. Il lui a manqué le
temps et l'expérience pour rendre crédible, dès ce moment-là, une
alternative de gouvernement à celle proposée par le PS. Il a manqué
aussi au Front de Gauche la capacité à conserver sa dynamique
présidentielle.
Mais
le fait politique principal, c’est l’installation d’une autre
perspective à gauche. Des répliques de la force affirmée dans la
campagne du premier tour auront lieu, les questions de la répartition
des richesses et de leur contrôle, de la résistance aux marchés, du
refus des politiques de l'Europe libérale, d’une Vième République
démocratique et sociale, sont installées dans l'opinion. Fin août 2012,
un sondage analysait que 42% des Français, et une majorité des électeurs
du PS, souhaitent que les propositions du Front de Gauche soient prises
en compte.
Pour
construire le débouché politique qui permette de mettre en oeuvre ces
changements, le Front de Gauche doit viser à faire prévaloir, au sein
d’une gauche traversée par deux orientations inconciliables, une autre
politique que celle défendue et mise en oeuvre par la direction du Parti
socialiste. C’est une réorganisation et une recomposition d’ensemble de
la gauche que nous visons, autour d'une ligne de partage entre
adaptation aux logiques libérales et volonté de rompre avec elles, un
débat qui traverse l’ensemble de la gauche et du mouvement social, y
compris la mouvance socialiste ou écologiste. A partir de ces enjeux, le
Front de Gauche doit s’efforcer d’unir toutes les forces qui veulent
mettre un terme à la domination sur la gauche des politiques de
soumission au libéralisme et au productivisme.
Gagner maintenant de nouveaux acquis sociaux et démocratiques
Le choix du Front de Gauche, celui de toutes ses composantes, du vote des militants du Parti Communiste,
de ne pas participer au gouvernement Ayrault au vu de sa politique
annoncée, est une décision importante, ainsi que le vote de ses députés
s’abstenant sur la déclaration de politique générale du Premier
Ministre, et proposant immédiatement des projets de loi répondant à
l'urgence sociale et démocratique. Le Front de Gauche se considère comme
partie prenante de la dynamique populaire majoritaire qui a chassé la
droite et N. Sarkozy, mais il est indépendant de la majorité
présidentielle et gouvernementale qui met en oeuvre les 60 propositions
de François Hollande. Pour la première fois sous un gouvernement de
gauche, il existe à gauche une force politique rassemblée, unitaire,
autonome et indépendante de la politique gouvernementale, disponible
pour porter les exigences populaires et résister aux pressions du Medef
et des marchés. Une force déterminée à rassembler des majorités à
gauche, dans le mouvement social, au Parlement, autour de propositions
de lois actant de nouvelles avancées pour le mouvement populaire.
Rendre crédible la perspective d'une autre majorité et d'un autre gouvernement à gauche
Le Front de Gauche doit inscrire ces batailles immédiates dans la construction indispensable d’une politique
alternative à l’austérité, celle que devrait mettre en oeuvre une
majorité et un gouvernement vraiment à gauche. Pour nous, le Front de
Gauche doit dire qu’il est candidate à une majorité et à un gouvernement
antiaustérité, rompant avec les logiques libérales et productivistes,
sur une orientation à même d’engager un changement durable, de contrôler
le système financier, d'étendre les pouvoirs, les droits et la
démocratie pour les salariés et le peuple.
Pour
cela, le Front de Gauche doit agir pour changer les rapports de force
au sein de la gauche, pour créer les conditions qui rendent possible
l’émergence d’une telle majorité et d’un tel gouvernement. Il ne s’agit
pas de parier sur l’échec du Parti socialiste au pouvoir, ni de se
cantonner au rôle d’aiguillon du gouvernement.
Il
faut au contraire travailler dès maintenant à dresser les contours de
ce que pourrait être cette majorité au sein de la gauche et dans le
mouvement social à même de porter cette orientation de rupture. Un
gouvernement issu de cette majorité s’appuierait en permanence sur de
puissantes dynamiques populaires, indispensables à la concrétisation
d’un changement et d’une transformation immédiate des conditions de vie
du plus grand nombre.
Cette
perspective d’un gouvernement de rupture avec l’ordre libéral devra
s’affirmer en convergence avec des projets similaires dans d’autres
pays, notamment en Europe, pour engager de nouvelles conquêtes
collectives. « Place au peuple », « Prenez le pouvoir », ce ne sont pas
que des slogans électoraux, mais des perspectives qui doivent nourrir le
projet du Front de Gauche.
Poursuivre l'élargissement et la transformation du Front de Gauche
Tout
est à faire pour engager un vrai changement, et ne pas laisser la place
à la démobilisation et à l'abstention favorisant un retour d'une droite
et d’une extrême-droite plus dangereuse encore.
Il
y a urgence à reconstituer un rapport de force sur le terrain des
mobilisations sociales, fortifier la résistance et la prise de
conscience contre les politiques du libéralisme qui restent sous la
coupe des marchés financiers, de la loi des actionnaires, des Traités
européens.
Le Front de Gauche doit chercher à se fortifier dans les luttes sociales, en menant des campagnes politiques
en lien avec ces mobilisations. Il participera ou engagera la
constitution de rassemblements les plus larges possible, temporaires ou
permanents, sur la base d’objectifs limités mais rassembleurs, avec les
organisations syndicales et associations, avec la volonté de regrouper
tous ceux qui à gauche, et au-delà du Front de Gauche, du côté du PS ou
d’EELV, ou de l’extrême-gauche, sont prêts à agir dans le même sens.
S’il ne considère pas être le seul à porter les résistances et
l’alternative, le Front de Gauche jouera pleinement son rôle s’il est
capable de convaincre autour des mesures alternatives qu’il défend face à
la politique gouvernementale, dans un va et vient entre ces résistances
et le terrain législatif et politique.
Des campagnes politiques s’imposent dès maintenant :
-
Refuser les contraintes fixées par l’Union européenne pour généraliser
l’austérité, en luttant contre la ratification du Mécanisme Européen de
Stabilité, pour un referendum, pour désobéir aux injonctions de la
Troïka (UE, FMI, BM) qui veut empêcher tout écart à l’orthodoxie
libérale. Une campagne qui trouvera son prolongement, en France et en
Europe, aux élections européennes.
- Faire la loi pour empêcher la vague de licenciements et la montée du chômage orchestrée par le MEDEF
: loi d’interdiction des licenciements dans les entreprises qui
délocalisent et versent des dividendes à leurs actionnaires, loi de
préemption sur les entreprises pour la reprise d’activités viables, loi
étendant les droits des salariés pour s’opposer aux plans « sociaux »,
droit de reprise par des coopératives ouvrières pour conserver les
emplois, les activités, les projets sociaux et écologiques... Le Front
de Gauche soutiendra les exigences des syndicats et des salariés qui
demandent un contrôle public ou une nationalisation de leur entreprise
quand ils sont confrontés à des patrons qui abandonnent des sites
productifs dans des secteurs clés.
En
soutenant la convergence des luttes des salariés dans les entreprises
menacées, le Front de Gauche cherchera à convaincre, autour des projets
de loi qu’il porte, qu’il y a une alternative à l’impuissance affichée
par le gouvernement.
-
Pour le droit de vote des étrangers aux élections locales, le Front de
Gauche devra mobiliser toutes ses forces, avec toute la gauche prête à
ne pas reculer, pour gagner dans l’immédiat cette extension des droits
démocratiques promise par le candidat François Hollande, et faire
reculer les campagnes réactionnaires et xénophobes du sarkozisme et du
Front National. Gagner une majorité aux assemblées et dans la société
pour changer de politique pour l’égalité des droits, et refuser les
reculs du ministère de l’intérieur qui se met dans les pas de ses
prédécesseurs sur cette question comme sur les contrôles au faciès ou
les expulsions de Rroms...
-
Briser la dictature de la finance, prendre des mesures législatives
pour un secteur public bancaire et un contrôle public sur les banques,
afin d’assurer les investissements pour l’emploi, l’environnement, les
collectivités territoriales, pour s’émanciper des marchés financiers,
pour que la BCE prête directement aux Etats. Exiger à la fois un audit
de la dette et un moratoire conduisant au non-paiement des intérêts des
dettes indues, ou des intérêts exorbitants exigés par des banques, comme
Dexia, qui coulent les finances des communes, des départements et
régions, des écoles, des hôpitaux.
-
Engager la transition écologique, réorienter dès maintenant
l'investissement public et l'emploi vers des solutions écologiques dans
les énergies renouvelables, les transports, le logement, l'eau. Revenir à
une maitrise à 100 % publique des entreprises du secteur de l'énergie.
Engager un débat démocratique national sur la transition énergétique et
le nucléaire. Refuser les OGM et l’exploitation des gaz de schistes.
Nous
voulons et pouvons gagner, sans attendre, plusieurs avancées sur la
base de campagnes de ce type appuyées sur les mobilisations sociales.
Mais pour inverser la logique des politiques libérales, sortir de la
crise, imposer une autre répartition des richesses, enclencher un
processus de transformation sociale, il faudra défendre en permanence la
nécessité de gouverner en rassemblant sur une autre politique que celle
menée par le gouvernement actuel. Les campagnes et actions du Front de
Gauche seront des points d’appuis pour illustrer et construire cette
alternative de gouvernement, changer les rapports de force au sein du
mouvement populaire et gagner l'hégémonie sur une telle orientation à gauche.
Construire une perspective de Front de gauche au niveau européen
La
crise économique du capitalisme, celle de la construction
ultra-libérale de l’Union européenne, les solutions catastrophiques
engagées par la Troïka en Europe du Sud, les dérives des gouvernements
sociaux libéraux acceptant de gérer ces plans d’austérité généralisée,
ont provoqué de puissants mouvements sociaux de résistance, et redonné
de l'espace et de la force aux gauches antilibérales européennes, plus
rassemblées, plus crédibles, porteuses d’ambitions plus affirmées. On
l’a vu plus particulièrement en Grèce, puis en Espagne, la combinaison
de mouvements sociaux importants et de coalitions de gauche liées à ces
mouvements permet des progrès politiques notables.
Les
élections européennes en 2014 seront l'occasion d'affirmer dans
plusieurs pays, dans une même campagne, une même gauche de
transformation sociale, défendant des solutions politiques communes,
(banque publique, refus du Traité, alignement vers le haut des
législations sociales et fiscales, démocratie européenne...).
Nous
pourrons ainsi faire apparaître une coalition de ces gauches
européennes, essentielle, car n'y aura pas d’alternative à la crise si
elle n'est pas d'emblée pensée et réalisée à l'échelle européenne.
Approfondir la stratégie du Front de Gauche
Les
fondements politiques du Front de Gauche ont été définis, à la veille
des élections, autour de deux documents : « l'Humain d'abord » et un
texte « stratégique » qui envisageait les buts qu'il s'assignait pour
2012.
Un
nouveau texte doit être mis en discussion, pour permettre de
synthétiser les acquis de l'expérience politique commune de ces deux
dernières années, et redéfinir les perspectives dans la nouvelle
situation.
«
L'Humain d'abord » est une base essentielle qui permet de donner une
perspective d'ensemble au changement politique qu'envisage le Front de
Gauche, et qui fournit les soubassements à une politique alternative à
celle suivie par le Parti Socialiste. De nouvelles questions demandent à
être intégrées dans le programme du Front (par exemple, les questions
de l'appropriation sociale, les nouveaux droits pour les salariés à la
reprise de leurs entreprises, ou encore l'approfondissement du débat sur
la transition écologique), mais aussi les élaborations des différents «
Fronts thématiques » qui ont apporté leur pierre. Tout en conservant la
démarche du consensus, laissant en débat ce qui n'est pas encore
collectif, il est nécessaire d’engager dans tous les lieux militants du
Front de Gauche une démarche d'enrichissement de son programme pour une
alternative de gouvernement à gauche.
Pour
avancer, l’essentiel est de reconnaître que nous cherchons pour le
Front à élaborer un programme basé sur une perspective d’action et de
transformation, et non sur des a priori idéologiques, la diversité des cultures politiques servant la dynamique de l’ensemble.
Ce nouveau texte stratégique permettra d'avancer collectivement sur une redéfinition, dans cette nouvelle
situation, de nos propositions, de l’issue politique gouvernementale
pour sortir de la crise, de nos rapports aux autres forces de la gauche.
La perspective doit être celle de la construction d’un véritable Front
politique, social et populaire, qui s’appuie sur la mobilisation
sociale, seule à même d’assumer la confrontation nécessaire avec les
classes dominantes et qui rassemble autour d’un programme de rupture
avec l’ordre établi.
Le Front de Gauche, un rassemblement durable, ouvert, et s'élargissant en permanence
Quelles
que soient les limites de sa construction initiale et actuelle, le
Front de Gauche est aujourd’hui un cadre politique incontournable pour
la construction d’une gauche d’alternative rassemblée.
Il s’agit désormais de faire force politique ensemble pour gagner la majorité à gauche, pour cela, l’élargissement
du Front doit être recherché en permanence, il est indissociable de
l’objectif visant à rendre dominantes dans la société les idées d’une
transformation sociale et écologique.
Le
processus de rassemblement lui-même ne doit jamais être figé : toutes
les forces d'une gauche de transformation ne se trouvent pas encore dans
le Front de Gauche, elles existent, ou existeront, au sein d’EELV et du
PS, mais aussi parmi de nombreux militants de ces partis, dans les
associations, les syndicats, les mouvements des quartiers populaires.
Dès aujourd’hui, les courants et organisations qui s’inscrivent dans la
gauche de transformation, sans être encore membres du Front de Gauche,
doivent pouvoir y prendre place s’ils le souhaitent.
Mais
le Front de Gauche doit aller au-delà du rassemblement des seuls
militants des partis politiques, et permettre aux nombreux acteurs
engagés dans les mouvements sociaux de trouver une place pour traduire
leurs combats quotidiens sur le terrain politique. Il doit être aussi un
lieu de rassemblement populaire, pour combattre la résignation et le
repli sur soi, pour réduire la coupure entre les milieux populaires et
les formes actuelles d’action politique. Un de ses objectifs doit être
de devenir un lieu de solidarité permettant aux jeunes et aux salariés
de s’organiser pour défendre leurs aspirations et reconstituer une
conscience et une culture politique.
Le Front de Gauche, rassemblant des partis et organisations, et permettant l’engagement individuel, pour créer une dynamique citoyenne.
Le Front de Gauche doit franchir une nouvelle étape dans sa construction, en partant de deux constats :
-
La volonté de certains partis qui en sont membres de se maintenir comme
organisations spécifiques, avec la souveraineté sur leurs décisions ;
-
Le constat que beaucoup de citoyen-ne-s engagé-e-s avec le Front de
Gauche ne souhaitent pas adhérer à une organisation politique tout en
voulant être pleinement acteur/trice de la vie du rassemblement
politique en cours.
Il
faut maintenant engager et expérimenter des formes de participation
citoyenne collectives. Déjà, sous des dénominations diverses, des «
assemblées citoyennes » se pérennisent, des « collectifs citoyens » se
construisent, des « comités populaires » se développent. Parfois ils se
créent en association locale du Front de Gauche, à laquelle on peut
adhérer et être partie prenante des discussions et décisions d’action.
C’est
la condition essentielle pour que le Front de Gauche se maintienne et
se transforme, pour qu’il soit à la hauteur de ses responsabilités. Cela
ne signifie ni la dislocation des composantes dans un Front qui serait
transformé en nouveau « parti », ni qu’il faille être d’accord sur tout,
ni que des initiatives propres à telle ou telle organisation soient
impossibles. En sens inverse, aucun des individus ne se reconnaissant
dans une organisation particulière ne doit avoir le sentiment qu’il est
le jouet de structures par ailleurs bien rodées.
Dès
lors, il peut être composé, à égalité de dignité, d’organisations
constituées (partis et mouvements) et de structures localisées
(assemblées citoyennes ou autres) où des individus ont la possibilité
d’adhérer directement. Et c’est en avançant dans ce sens, recherchant au
maximum le consensus et non la concurrence, que nous pourrons dépasser
positivement, vers plus de démocratie et de transparence, le
fonctionnement forcément hybride de cette nouvelle expérience engagée
sous la forme d’un Front.
Dès
maintenant, les autres lieux collectifs créés lors des campagnes de
2012 doivent être pérennisés et élargis. Le Conseil National et la
coordination hebdomadaire doivent être élargis à de nouvelles
personnalités issues du mouvement social et non membres de partis, et
devenir plus régulièrement des lieux d’échanges et de décisions
collectives sur tout ce qui est mis en commun.
Les
« Fronts thématiques », qui se sont développés sur différents thèmes de
réflexion pour l’action, ont un rôle important à jouer dans cet
élargissement. Ils permettent d’intégrer les réflexions et actions des
différents secteurs du mouvement social, de développer la mise en
commun, et de donner au Front de Gauche les moyens d’intervenir dans
tous secteurs de la vie politique et sociale.
En
même temps, le Front de Gauche devra développer des moyens de
communication collectifs (site internet géré collectivement, publication
régulière) en appui aux collectifs locaux.
Pour
que les discussions puissent avoir lieu largement, dans les
organisations comme dans les espaces militants communs, un processus de
réunions nationales régulières, sous la forme de « convention » ou
d'«assises » rassemblant des représentants des divers espaces du Front
de Gauche (Assemblées Citoyennes, Fronts Thématiques, Conseil et
Coordination Nationale...) est nécessaire pour permettre son
développement, les échanges entre les militants et les différentes
composantes. Un processus d’allers-retours participatifs devrait être
enclenché dès maintenant sur un texte de définition d’un projet
politique commun et sur des modalités de fonctionnement, en vue d’une
nouvelle architecture associant organisations et collectifs
d’adhérent-e-s direct-es du Front de Gauche.
Construire une convergence
Des convergences ...
La
réflexion ici poursuivie est menée en commun, à ce stade, par plusieurs
organisations engagées dans le Front de Gauche : Convergences et
Alternative, la Fédération pour une Alternative Sociale et Écologique
(incluant l'Association des Communistes Unitaires), la Gauche
Anticapitaliste, la Gauche Unitaire.
Nous partageons l'idée d'une nécessaire refondation et rénovation de la gauche de transformation sociale,
et la conviction qu’aujourd’hui ce travail ne trouvera son sens et des
possibilités de mises en pratiques que dans le Front de Gauche, qu'il
doit y être poursuivi et approfondi.
Nous voulons, avec ce texte, actualiser nos réflexions et nos convictions, vérifier la possibilité d’un rapprochement.
Notre objectif n’est pas de nous inscrire dans une logique de
concurrence entre composantes du Front de Gauche, mais au contraire de
favoriser le développement et l’élargissement du Front lui-même, sa
dynamique politique et citoyenne, l’adhésion du plus grand nombre...
C’est le Front de Gauche qui doit être la force politique, dans sa
diversité, en mesure d’organiser, de faire agir ensemble, tous ceux et
celles qui veulent faire avancer, à gauche et dans la société, la
perspective d’une transformation sociale de la société.
La
convergence, au sein du Front de Gauche, d'histoires et de cultures
politiques différentes est ce qui lui permet d'exister, la garantie de
sa vitalité. Si, pour ce qui nous concerne, nous pensons que la
perspective doit être l'affirmation progressive dans et par le Front de
Gauche d'une force politique nouvelle, apte à relever les défis du
temps, nous sommes également convaincus que ce mouvement ne signifie pas
gommer l'existence des courants et partis le composant, qui ont toute
légitimité à défendre les acquis de leur histoire et leurs propres
cheminements politiques. Il est même de leur devoir d'assurer la
transmission, la formation, l'élaboration à partir de leurs propres
références et cultures politiques. La possibilité de le faire dans un
cadre commun, pluraliste, ne pouvant représenter qu'un enrichissement de
ce travail.
Des convictions ...
Nous
nous référons à divers documents produits d’expériences politiques
différentes auxquels nous avons participé les uns et les autres, que
nous versons comme contributions au débat partagé avec toutes les forces
du Front de Gauche. Nous voulons également travailler à partir des
contributions issues du mouvement social, syndical, altermondialiste,
afin d’ élaborer un projet d’émancipation sociale adapté aux coordonnées
de la période.
De
ces documents, nous tirons les principes politiques suivants au regard
de ce que doit être la politique et les perspectives d'une gauche de
transformation sociale et écologique.
° Pour la lutte de classe, l’égalité et la solidarité !
- L’indépendance par rapport à la bourgeoisie, le refus d’alliances avec les droites et les forces conservatrices, une inscription permanente dans la lutte des classes sous toutes ses formes.
-
L’exigence de reconstruction d’une perspective émancipatrice contre
toutes les oppressions, l’ancrage dans tous les mouvements pour
l’égalité, contre toutes les formes de racisme, de xénophobie, de
discrimination sur la base des origines, du genre, de l’orientation
sexuelle, des croyances, et le respect des libertés individuelles et de
la laïcité.
-
Une dimension internationaliste permanente ; ici même, dans la
solidarité avec les immigrés, dans l’extension des droits civiques sur
la base d’une citoyenneté de résidence. Dans l'Union européenne, pour
une Europe sociale et démocratique, une alternative de gauche assumant
une rupture avec la construction libérale de l’Union européenne sans
accepter les replis nationalistes. A l’échelle du monde, pour une
politique solidaire sans frontières, sans céder aux « raisons d'États »
et aux politiques de grande puissance, y compris celles de l'État
français. Une politique solidaire basée sur le droit à
l’autodétermination des peuples victimes d’oppressions néo coloniale,
d’exploitation impérialiste, de destruction de l’environnement par le
pillage des ressources naturelles. Une politique de paix et de
désarmement, notamment le désarmement nucléaire, contre les guerres.
- Une lutte antifasciste intransigeante, qui doit être menée dans l’unité du mouvement ouvrier et démocratique, et s’exprimer sur le plan idéologique contre toute banalisation du FN et de l’extrême-droite
-
L’exigence féministe, la lutte contre la domination masculine et le
patriarcat, partie prenante de tout projet progressiste et de l’exigence
démocratique d’égalité en droits entre homme et femme, et ses
implications dans la remise en cause du capitalisme de par la place
qu’il réserve aux femmes au travail et dans la société.
° L’impératif de la démocratie
Il
impose la défense de toutes les libertés démocratiques, il suppose une
pratique respectueuse des formes d’organisation que se donne le
mouvement populaire, il est au coeur de notre projet, qui promeut la
défense et l’extension du suffrage universel, la démocratie la plus
large possible, les pratiques d’auto organisation et d’autogestion.
Un
impératif qui impose de dépasser la césure entre mouvement social et
politique institutionnelle, qui se prépare dans une pratique de nos élus
en lien avec les mouvements sociaux et le développement de toutes les
formes possibles de démocratie participative et de contrôle, pour
contrecarrer les logiques d’intégration et d’institutionnalisation du
système.
Une démocratie qui suppose une refonte de tout le système médiatique et développe l’esprit critique des citoyens.
Un
impératif qui pousse à une vigilance antibureaucratique dans le
fonctionnement des partis et des forces politiques, dans les garanties
données au pluralisme des débats et au rejet des pratiques autoritaires
et manipulatrices, dans le refus d’établir des rapports de subordination
vis-à-vis du mouvement syndical et social.
Une
démocratie autogestionnaire, dans et hors des entreprises, qui, à
partir du combat pour l’extension des droits des salariés, pose la
question de la propriété, de l’appropriation sociale des principaux
secteurs économiques et non d’un « étatisme dirigiste », d’un contrôle
collectif sur ce qui se produit et comment, de la possibilité
d’autogestion des salariés dans de nombreux secteurs.
° Assumer la perspective de la rupture.
Le processus d’une transformation de la société ne peut se limiter à un changement de majorité parlementaire,
mais nécessite la mise en mouvement d’un puissant mouvement social
contre les puissances dominantes du système capitaliste. Il doit
articuler mobilisations et élections, dynamiques populaires et victoires
électorales, rapports de force conquis par les luttes, les grèves,
l’auto-organisation, et le contrôle démocratique via le suffrage
universel, permettant l’avènement de gouvernements rompant avec la
logique capitaliste et engageant une transformation profonde des
rapports sociaux. Une rupture avec les logiques productivistes qui ont
abouti à la crise de l’écosystème humain et risquent d’entraîner une
régression majeure pour l’humanité. Une révolution citoyenne, sociale et
démocratique, qui passe par l’instauration de nouvelles institutions
par le biais d’une Assemblée Constituante et de la fondation d’une VIème
République démocratique et sociale. Socialiser les grands moyens de
production et d’échange, décider quoi et comment produire, défendre les
biens publics et engager une transition écologique, cela ne peut se
faire sans une rupture avec les institutions et les logiques marchandes,
par une extension maximale d’une démocratie à tous les niveaux
refondant un nouveau mode de gestion de la société et de pouvoir.
° Fixer un cap vers une société alternative au système capitaliste et au productivisme.
Malgré
les blessures que portent les mots hérités du passé, nous avons besoin
de refonder un nouveau projet émancipateur, pour une société
démocratique, socialiste, communiste, écologiste.
Ce projet assumera les défis écologiques, développera une conscience éco-socialiste pour la réorganisation
de la société à des fins de productions socialement utiles et
écologiquement responsables, planifiera la sortie du nucléaire et des
énergies carbonées.
Il
devra revenir sur le bilan et les échecs des expériences passées, tant
du stalinisme que de la socialdémocratie, et des dégâts qu’ils ont
provoqués.
À
partir des résistances contre l’exploitation et l’oppression, jusqu’à
la lutte pour des gouvernements de rupture engageant la transformation
sociale et écologique, est posée la nécessité de penser en positif un
projet de société alternatif au capitalisme. Un projet pour libérer
toutes les potentialités de l’auto-émancipation et des aspirations à
l’égalité, pour engager une appropriation sociale des moyens de
production et d’échange, pour une autogestion la plus étendue et un
contrôle sur l’outil de travail et sur le travail lui-même.
Nous
considérons, ensemble, qu’il y a urgence à refonder un tel projet.
Cette élaboration stratégique devra être le fait d’un travail mené avec
d’autres courants que les nôtres et qui sont engagés, avec nous, dans la
construction d’une alternative à gauche. Commençons sans attendre, cela
fait partie de la reconstitution d’une culture politique d’émancipation
indispensable à la vie d’un mouvement politique qui, pour donner
confiance dans son projet politique immédiat, a besoin d’éclairer
l’espoir qu’ « un autre monde est possible ».
Un rapprochement ...
Notre préoccupation est de travailler à surmonter la dispersion de nos forces, et contribuer ainsi à renforcer
la dynamique de l’ensemble du Front de Gauche. Cela nous paraît
possible en fonction des convergences existantes et des convictions qui
nous sont communes, dans la mesure où nous sommes les uns et les autres
issus d'expériences à la fois différentes et proches. Notre proximité
sur les quelques « fondamentaux» résumés dans ce texte a contribué au
dépassement de désaccords politiques secondaires.
Les
propositions faites ici sont l’expression de trois éléments
inséparables : - la convergence de nos options politiques - une
conscience partagée des enjeux de la situation politique - notre
appréciation du Front de Gauche. Sur cette base, constatant un accord
politique important entre nos formations, nous engageons un processus de
rapprochement permettant de faire vivre, au sein du Front de Gauche, un
courant d’idées en commun. Un courant qui sera animé d’une conviction
forte : l’objectif est, plus que jamais, de favoriser le développement,
l’élargissement et la transformation du Front de Gauche en une force
pluraliste enracinée dans le mouvement populaire, à même de changer les
rapports de forces à gauche en faveur d’une politique de transformation sociale.
Convergences
et Alternative, Fédération pour une Alternative Sociale et Ecologique
incluant l’Association des Communistes Unitaires, Gauche
Anticapitaliste, Gauche Unitaire.
Le 17 octobre 2012
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