En
Russie, la première moitié du mois d’octobre s’est déroulée sous le
signe d’un durcissement de la répression contre l’opposition. Pour le
moment, 19 personnes sont accusées dans la dite affaire des « troubles
de l’ordre public massifs » du 6 mai ; la plupart se trouve actuellement
en prison. Alors que les arrestations arbitraires de participants aux
actions du printemps continuent, il est d’ores et déjà évident qu’un
procès politique massif contre les leaders de l’opposition se prépare.
Le 5 octobre, l’une des principales chaines de télévision russe, NTV,
diffusait un film produit dans le style « enquête documentaire »,
contenant des accusations sans précédent contre l’opposition, notamment
contre la figure la plus connue de l’opposition de gauche, Sergueï
Oudaltsov. Dans ce film de propagande filmé dans la plus pure tradition
Goebbelsienne, on apprend qu’Oudaltsov entretient des liens avec les
services secrets étrangers et que la principale activité du Front de
Gauche qu’il dirige consiste à manigancer avec les ennemis extérieurs du
pays. En guise de preuve, le film reproduit l’enregistrement d’une
conversation entre Sergueï Oudaltsov, l’activiste du Front de Gauche
Léonid Razvojaev, le membre du Mouvement Socialiste de Russie (RSD)
Konstantin Lebedev et l’un des plus proches conseillers du président
géorgien, Guivi Targamadzé. La conversation évoque notamment un
transfert d’argent de la part de la Géorgie, dans le but de
« déstabiliser » la Russie. Bien que les visages soient à peine visibles
sur l’enregistrement et que le son ait été monté et posé sur la vidéo
séparément, à peine deux jours plus tard celle-ci servait de prétexte à
l’introduction d’une action pénale auprès du Comité d’enquête du Parquet
de la Fédération – l’organe qui tient aujourd’hui le rôle principal
dans l’organisation de la répression.
Le 17 octobre, notre camarade Konstantin
Lebedev était arrêté et Sergueï Oudaltsov libéré après son
interrogatoire, sous réserve de signer un engagement à ne pas quitter le
territoire de Moscou. Le troisième participant à « l’affaire », Léonid
Razvojaev, a quant à lui demandé l’asile politique en Ukraine mais a été
enlevé dans le centre de Kiev par les collaborateurs des services
secrets russes. Il convient de remarquer que le Parquet, bien qu’il ait
agit sous couvert d’une conspiration d’espions, a fini par accuser ces
trois personnes de « troubles de l’ordre public massifs ». Il s’agit là
de lancer un procès potentiellement d’envergure, dans lequel plusieurs
cas seront traités ensemble et toute l’activité du mouvement de
contestation du régime apparaîtra comme un complot géant.
Il est important de noter également
qu’aussi bien les accusés dans l’affaire « d’espionnage » que la
majorité des personnes arrêtées pour leur participation aux « troubles
de l’ordre public » du 6 mai appartiennent à différentes fractions de la
gauche. À la veille de l’application de nouvelles mesures d’austérité
en Russie, d’attaques contre les droits des travailleurs et de la
réforme des pensions, ce qui effraie le duo Poutine/Medvedev c’est
l’éventualité de voir s’unir le mouvement démocratique qui existe déjà
avec les éléments de la contestation sociale.
La vague de répression à laquelle nous
assistons aujourd’hui est un stress-teste pour le mouvement de
contestation : soit nous tiendrons bon, soit nous aurons à traverser une
nouvelle période d’apathie et de peur. Face à cette pression policière
sans précédent, nous avons besoin de la solidarité de nos camarades
d’Europe et du monde entier. Nous demandons la tenue de piquets pour la
libération immédiate de Konstantin Lebedev, l’arrêt de l’action pénale
contre Sergueï Oudaltsov et Léonid Razvojaev ainsi que la libération des
prisonniers politiques ayant participé à la manifestation du 6 mai à
Moscou.
Mouvement socialiste de Russie, le 21 octobre 2012.
Traduit du russe par Matilde Dugaucquier
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