Au bout d’un procès qui aura vu la défense s’effondrer sur elle-même,
le policier Damien Saboundjian a été acquitté du meurtre d’Amine
Bentounsi au nom de la légitime défense. Et comment pourrions-nous être
étonnés ? Quel policier a été condamné pour les morts de Zyed et Bouna,
d’Ali Ziri et de tant d’autres ?...
En réalité, avant même le début du procès, le policier avait bénéficié d’une requalification d’« homicide volontaire » à « violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique ».
Pourtant, à nouveau, le déroulement du procès a été accablant pour le
policier mis en cause. Son principal témoin, son ex-coéquipier, s’est
ainsi rétracté et a admis avoir menti. Il s’est avéré que des témoins
avaient vu le policier tirer sur Amine Bentounsi qui courait – et était
donc de dos – et se trouvait à une dizaine de mètres. Les propos du
policier, déjà peu vraisemblables, selon lesquels Amine Bentounsi se
serait brusquement retourné sans raison au milieu de sa course juste
avant de recevoir une balle dans le dos...
Lorsque ces témoins s’adressèrent au commissariat pour témoigner, le
commissariat ne prit pas en compte ce témoignage et chercha à les
dissuader. Ce fait est un des nombreux exemples dont l’institution
policière couvre ses meurtriers…
Mais l’affaire Bentounsi présente une particularité : celle d’être
allée jusqu’aux assises, devant un jury populaire, ce qui n’est pas le
cas de la plupart des affaires de ce type. Amal Bentounsi, sœur du
défunt et fondatrice du collectif Urgence Notre Police Assassine
indiquait « surtout que c’est rarissime qu’un policier, quand il est
traduit en justice, aille jusqu’aux assises. On est plutôt habitué aux
non-lieux glaçants par lesquels se soldent généralement les affaires de
crimes policiers… ». Cette défaite juridique devant un jury est
d’autant plus terrible et significatif. Il s’agit d’un nouveau symptôme
du racisme banalisé qui gangrène la société française et se conjugue
parfaitement avec la glorification de l’irresponsabilité policière.
L’extension de la notion de légitime défense prônée par le
gouvernement français n’est pas seulement une garantie juridique
supplémentaire pour les policiers qui, de toute façon, n’en ont pas
besoin pour échapper à toute condamnation. C’est avant tout un message
politique légitimant encore plus fortement le droit de vie ou de mort
d’un corps votant pour près de moitié pour le FN sur une population très
majoritairement issue des quartiers et/ou de l’immigration.
Et cette semaine présente un raccourci saisissant : cet acquittement
intervient quelques jours après la condamnation de 8 salariés d’Amiens
pour avoir brièvement séquestré leur patron dans le cadre de leur lutte
pour la défense de leurs emplois. Mais la concomitance de ces décisions
n’est pas un hasard
L’Etat d’urgence est non seulement l’institutionnalisation du recul
des libertés politiques. C’est aussi la légitimation politique du
« dressage » que les dominants veulent imposer aux masses laborieuses et
du droit de vie ou de mort, de la toute-puissance policière envers
celles et ceux qui sont persécuté-e-s par le racisme systémique
aujourd’hui en France.
Il est inconcevable d’avoir une politique de gauche digne de ce nom
qui ne s’attaque pas frontalement aux violences policières et ne
combatte pas l’état d’urgence, en premier lieu dans les mobilisations ce
30 janvier partout en France.
Suren
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