Pas
un ne manque à l’appel : le président du Medef, Gattaz, en tête de
gondole, et les factotums gouvernementaux actuels du patronat, Hollande,
Valls, Macron, Vidalies… Ils sont tous unis dans une croisade sacrée :
condamner les « violences scandaleuses » contre les dirigeants
licencieurs d’Air France. Et comme Hollande, Valls et compagnie sont aux
commandes de l’appareil de répression étatique, nul doute que ces
condamnations ne seront pas platoniques mais que le crime de lèse-patron
sera l’occasion de briser judiciairement la vie de salariés révoltés et
de poursuivre la criminalisation du mouvement social.
Évidemment, l’hypocrisie est partout dans cette pseudo-affaire qui
masque les principaux enjeux. D’abord en ce qui concerne le rôle du
pouvoir politique, celui d’ un État actionnaire passivement complice de
la direction d’Air France. L’État ne peut rien puisque « Ce n'est pas le
contribuable qui va payer » dit Alain Vidalies, secrétaire d’État aux
transports d’un gouvernement ayant fait 25 milliards de cadeau au
patronat en deux ans avec le Crédit d’Impôt Compétitivité d’Emploi.
Ensuite, évidemment, l’hypocrisie de cette chorale de condamnation de
la violence physique de la part d’un gouvernement est à comparer avec
la bienveillance dont a bénéficié la FNSEA dont les membres commettent
régulièrement des saccages autrement plus importants, ce qui n’a pas
empêché Manuel Valls de se rendre au congrès de cette organisation.. Il
en est de même en ce qui concerne l’habitude gouvernementale de couvrir
les violences autrement plus graves de ses forces de l’ordre, dans la
continuité des gouvernements précédents et quelles que soient les
exactions, comme par exemple la mort de Rémy Fraisse.
Enfin, privilégier le « dialogue social » est une autre fumisterie
brandie par Hollande et ses acolytes. En effet, quand le « dialogue
social » n’arrange pas le gouvernement, celui-ci ne se gêne pas : la loi
Rebsamen reprend 90% des propositions du Medef malgré le refus de
toutes les organisations syndicales ; pour la Fonction publique, Valls
va passer outre l’absence d’un accord majoritaire. Surtout, ce
« dialogue » repose, pour le gouvernement et le patronat, sur l’idée
objectivement fausse de communauté d’intérêts entre patrons et salariés.
Or, comme le gouvernement actuel a pour unique horizon le patronat,
cette fiction du « dialogue » ne se traduit même pas par un renforcement
des capacités des syndicats et des représentants des salariés mais bien
par leur affaiblissement systématique avec une avalanche de
contre-réformes qui n’est pas finie (ANI, lois Macron 1 et 2, Rebsamen,
mission Combrexelle…).
Le mécanisme est ainsi bien huilé : confiner les salariés et leurs
organisations dans des procédures qui n’empêchent rien, acter
l’existence d’un « dialogue social » et en apposer le label sur le plan
de licenciement, saupoudrer tout cela d’un vague discours sur la
« nécessité de s’adapter »… Le cas d’Air France est un cas d’école puis qu’absolument toute la casse sociale, aussi bien en cours que celle
qui ne manquera pas de venir, peut se prévaloir d’être dans les clous
législatifs du « dialogue social ».
Ainsi, les salariés d’Air France subissent depuis 5 ans le plan
« Transform 2015 » consistant en la suppression de plus de 5.000 emplois
équivalents temps plein, une baisse des investissements, un gel de
salaires et des promotions, l’augmentation du temps de travail des
navigants (de 530 à 655 heures de vol par an sur moyen-courrier et à 730
heures sur long-courrier).
Alors même que le groupe Air France est loin d’être à l’agonie, son
exploitation ayant généré en 2014 plus de 1 Md€ de cash, les salariés
d’Air France sont confrontés à un nouveau plan de restructuration qui
vise à supprimer 2.900 postes (300 pilotes, 900 chez les hôtesses et
stewards, 1.700 chez les autres personnels) jusqu’en 2017. Les objectifs
de ces plans successifs sont la réduction de la dette du groupe qui est
pourtant rentable. En réalité, Air France, comme beaucoup d’autres
groupes, est en situation de restructuration perpétuelle avec pour
résultat des salariés qui ne voient pas le bout du tunnel.
C’est dans ce contexte d’attaque sociale effrénée que le DRH d’Air
France et le directeur de l’activité long-courrier ont été pris à partie
par une partie des salariés en colère contre ce modèle de downsizing
permanent. Que personne ne compte sur nous pour les dénoncer ou même
pour mettre sur le même plan leur action avec les milliers de vies
brisées par la direction d’Air France. La seule manière d’évaluer la
pertinence d’une action menée par des travailleur-ses est l’intérêt
qu’elle présente pour atteindre des objectifs fixés et le développement
d’une activité démocratique de classe. Mais cela est un débat qui ne
regarde que les salariés et leurs organisations, pas les directions
patronales et leurs alliés gouvernementaux se cachant derrière des
principes éthérés qu’ils bafouent à la première occasion.
Au final, la surmédiatisation de cet épisode télégénique a pour
fonction de mettre au second plan la réalité vécue par les salariés
d’Air France mais également d’éloigner de la compréhension des citoyens
la convergence extrêmement importante parmi les salariés. En effet, la
mobilisation du 5 octobre à l’occasion du Comité Central d’Entreprise
présentait un caractère exemplaire d’unité, d’autant plus dangereux pour
la direction. Les pilotes ont ainsi spectaculairement rejoint le
mouvement et les autres métiers. Alors que la direction veut imposer
des négociations catégories par catégories pour mieux les opposer entre
elles, cette unité est un gage pour l’avenir d’Air Franc et de ses
salariés. Ainsi, cette mobilisation est intersyndicale et regroupe tous
les métiers du Groupe. Elle constitue un point d'appui majeur pour le
mouvement social et syndical en France et la seule position à avoir est
d’être aux côtés des salariés d’Air France contre leur direction et ses
alliés gouvernementaux.
Jean Martin
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