Texte adopté le 12 juin 2016 par l’Assemblée Générale d’Ensemble!
Poser les jalons d’une alternative écologique, solidaire et démocratique
1) Un mouvement inédit aux fortes exigences politiques
La situation politique est marquée par un retour sur le devant de la
scène des mobilisations sociales : lutte contre la déchéance de
nationalité, mouvement large et multiforme contre la loi « El Khomri »,
poursuite de la bataille contre le projet de Notre Dame des Landes dans
la perspective du référendum local et développement des mouvements
contre l’extractivisme. L’horizon ne se limite pas à la peur, au repli
sur soi et à la concurrence de tous contre tous. Des énergies existent
pour porter des exigences sociales, démocratiques et écologiques.
Le développement de la mobilisation contre la loi « El Khomri » en
particulier a constitué un basculement de situation. Le rejet massif de
ce projet s’est exprimé massivement sur les réseaux sociaux qui ont
décuplé l’écho des initiatives (pétition en ligne, vidéos « on vaut
mieux que ça »…). Le mouvement s’est développé en articulant des
journées d’action des organisations syndicales opposées au projet de
loi, un mouvement autonome de la jeunesse lycéenne et étudiante qui a
été confronté à une répression policière brutale, des occupations de
places à travers l’appel aux « Nuits Debout » qui se sont enracinées
dans de nombreuses villes.
Cette articulation entre différents types de mobilisations, associant
les organisations du mouvement ouvrier et de nouvelles formes d’action
et de nouvelles générations qui se nourrissent et se renforcent les unes
les autres a un caractère inédit. Le mouvement est porteur de fortes
exigences politiques. D’abord en posant avec force la question du
travail, de la précarité, de l’exclusion, des conditions de travail de
plus en plus en difficiles, de l’exploitation patronale, il contribue à
la reconstruction d’une conscience commune au monde du travail et à la
jeunesse. Ensuite par la force de l’exigence démocratique, exprimée
notamment dans les assemblées des Nuits Debout, du refus de la
confiscation de la parole, de la nécessité de réinventer de nouvelles
formes démocratiques et de participation réelle à la vie collective.
Cette situation est riche de nombreux espoirs, pour redonner du souffle à
la question d’une alternative à la société actuelle.
À travers ce mouvement, des expériences s’accumulent, des évolutions
se produisent, qui seront autant de forces motrices pour nourrir la
reconstruction d’une alternative politique à laquelle nous voulons
contribuer. Ce mouvement peut aussi fournir un cadre large pour
l’élaboration et la défense d’une plate-forme de revendications à court
et moyen termes aux élections locales, nationales et européennes.
2) Déconnexion du paysage politique, crise à gauche et espoir de reconstruction d’une alternative
Le mouvement social met en évidence la rupture entre les exigences
populaires et la représentation politique actuelle. Depuis des années,
l’abstention, le rejet des institutions avaient témoigné de l’ampleur de
la crise démocratique qui travaille le pays. La politique de François
Hollande depuis 2012, mise en œuvre par Jean-Marc Ayrault au nom de la
compétitivité et de la réduction des déficits publics, puis amplifiée
par Manuel Valls avec le « Pacte de Responsabilité » a représenté un
véritable « adieu à la gauche » de la part du pouvoir en place. La
proposition de déchéance de nationalité, inspirée de l’extrême droite,
et le projet de loi Travail ont marqué la rupture pour des milliers
d’hommes et de femmes de gauche avec François Hollande. Celui-ci a perdu
sa majorité de gauche à l'Assemblée, il doit passer par le 49.3 ou par
l'accord avec la droite pour faire adopter ses projets les plus
contestés. C'est une crise de légitimité qui est ouverte. Le choc entre
les exigences sociales et démocratiques de plus en plus fortes et cette
politique provoque de forte tensions, et pourrait amener à des départs
et des ruptures significatives dans et autour du PS.
Le projet de François Hollande, Manuel Valls et d’Emmanuel Macron est
de recomposer la gauche en rupture avec ses racines historiques, de
rendre possibles les alliances gouvernementales avec la droite, d’aller
jusqu’au bout de la transformation du PS en parti centriste
d’orientation libérale. Cette dérive droitière est celle que la majorité
des partis sociaux-démocrates en Europe ont suivi, cherchant des
alliances à droite pour accompagner la financiarisation et la
mondialisation du capital, en opposition avec des politiques de
régulation sociale que parfois appliquaient les gauches au pouvoir.
François Hollande parie sur la tripartition du paysage politique,
laquelle, face à la menace d’un nouveau 21 avril en 2017, obligerait à
« l’unité » derrière le pouvoir en place et permettrait d'effacer le
bilan du quinquennat. Mais, alors que les mouvements sociaux reviennent
au premier plan, la nécessité d’une alternative de gauche aux politiques
gouvernementales ne disparaît pas. C’est celle-ci qu’il faut construire
pour permettre de redonner espoir à tous ceux qui aujourd’hui refusent
de se résigner. L’année 2017 est une étape importante pour que se crée
une dynamique de reconstruction d’un véritable front des forces militant
pour une alternative de gauche. Le rassemblement auquel nous souhaitons
contribuer suppose que nous menions avec détermination la lutte contre
tous les racismes (racisme anti-rroms, islamophobie, racisme
anti-noirs…) ainsi que l’antisémitisme et contre toutes les
discriminations.
Ces questions sont d’autant plus vitales que les forces de droite et
d’extrême droite sont aujourd’hui en position de force. Elles sont
capables de polariser le débat politique, idéologique et culturel, en
s’appuyant sur des mobilisations puissantes (Manif contre le mariage
pour tous…). L’extrême droite menée par Marine Le Pen poursuit son
enracinement et renforce sa position de « candidate au pouvoir ». La
droite, traversée par de fortes divisions, réorganise ses forces,
travaille à sélectionner son leadership, et pourra s’appuyer sur le
bilan du quinquennat de Hollande pour poursuivre la mise en œuvre des
contres réformes libérales et l’adaptation de la société française aux
exigences du capital financier.
3) Les difficultés de l’alternative à gauche depuis 2012, trouver le chemin pour un rassembler toutes les énergies
Depuis 2012, face à la politique de Hollande, il a fallu du temps
pour que le peuple de gauche sorte de la résignation, passe de la
désorientation et de l'apathie à la résistance active. Les mobilisations
et les résistances se sont retrouvées isolées et ont subi des défaites.
Sur le terrain de l’alternative politique, malgré la réussite de
plusieurs marches et manifestations massives (contre le Traité européen,
l’austérité, la Vème République), malgré la présence de candidatures
illustrant une opposition claire à la politique gouvernementale
(législatives, cantonales, régionales, européennes) la dynamique du
Front de gauche n'a pas été portée par un élan mobilisateur venant du
mouvement social et il n'a pas réussi à élargir son rassemblement et à
déboucher sur la constitution d’une nouvelle force à la hauteur du
potentiel qui s’était exprimé et de l'espoir qu'il avait suscité.
L’épuisement du Front de gauche résulte essentiellement des
contradictions entre ses partenaires, qui n'ont pas développé une
stratégie cohérente pour sa construction. Le PCF revenant parfois à des
alliances avec le PS aux municipales et n’envisageant pas l’émergence
d’une nouvelle force politique, le PG s'aventurant vers des échappées
unilatérales (M6R, « initiatives citoyennes » discutables…). Des
logiques de rapports de force ont parfois dominé, et la tentation de
rassembler autour de soi-même l'a souvent emporté sur la nécessité de
créer un cadre et une dynamique collective permettant l'engagement
citoyen. Enfin, Le Front de gauche n’a pas réussi à apparaître porteur
de l’espoir possible d’une autre société, ni d’alternatives crédibles à
la politique gouvernementale. Pour sa part, Ensemble n’a pas réussi à
peser suffisamment, à être une force de proposition pour permettre de
trouver une issue à la crise du Front de gauche.
Le Front de Gauche, au niveau national, est actuellement fortement
paralysé du fait de l'absence de stratégie commune pour la
présidentielle. Pour autant, la discussion n'est pas close, dans le PCF
comme dans le PG. Nous ne nous résignons pas à cette division du Front
de gauche, à l'image des citoyens et militants qui l'ont exprimé
récemment, notamment ceux qui avaient créé localement des assemblées ou
des collectifs qui leur ont permis d'agir et de réfléchir ensemble. Il
est essentiel de ne pas tirer un trait sur les acquis de ce qu’a
représenté le Front de gauche, il constitue une expérience de
convergence qu'il faut développer et élargir. L' « Humain d'abord »
reste une référence, qui reste à enrichir et à actualiser, en termes
d'élaboration collective d'un programme alternatif à gauche. Il faut
transformer le Front de gauche pour qu'il devienne l'acteur d'un
rassemblement plus large, populaire et citoyen. Il faut partir de ce qui
existe pour engager aujourd’hui une nouvelle forme de rassemblement ou
d’alliance, en travaillant avec d'autres partenaires de la gauche
d'alternative, tenant compte des erreurs passées, permettant
l’implication citoyenne et portant une stratégie cohérente. Le
rassemblement du Front de Gauche et d'EELV, de Nouvelle Donne, de forces
citoyennes a constitué des points d’appui positifs lors des élections
départementales et régionales.
L’enjeu reste aujourd’hui, et à partir d’un bilan critique du Front
de Gauche, de donner corps à une nouvelle coalition porteuse d'espoir,
un rassemblement, une coalition ou un front d'une gauche de
transformation sociale, populaire et citoyen, combinant présence de
forces politiques et sociales et engagements citoyens dans des
collectifs prenant part aux décisions essentielles. L'actuel mouvement
social avec ses formes de mobilisation nouvelles appelle à renouveler
les pratiques dans toutes les constructions politiques envisagées si on
souhaite poser les jalons d’une nouvelle gauche. L'objectif stratégique
présent à la création du Front de Gauche n’était pas de reconstituer une
politique de type « gauche plurielle », mais de rassembler une
alternative sans concessions au libéralisme et contester l’hégémonie du
PS dans la gauche et son électorat et gagner une majorité. Cet objectif
reste le notre et ne peut être mis en œuvre sans reprendre cette
démarche.
4) 2017 : le rassemblement d’une alternative de gauche est possible !
Pour 2017, notre objectif est que toutes les forces de gauche
(partis, courants, mouvements, collectifs citoyens, réseaux, en
particulier liés à Nuit Debout...) opposées à la politique
gouvernementale s’unissent et se rassemblent autour d’un projet et de
candidats communs à la présidentielle et aux législatives.
La force du mouvement social ouvre des possibilités nouvelles pour
reposer la question d'une alternative politique. C'est une chance pour
déjouer le piège du tripartisme entre la droite, le Front National et la
gauche de Valls et Hollande. Nous voulons favoriser dans les
mobilisations l'expression de leur potentiel politique. Ce mouvement a
notamment reposé la question de l'initiative citoyenne et populaire et
celle de la construction d'une réelle politique de gauche qui soit
majoritaire dans la rue et dans les urnes. Ce qui est en jeu de manière
encore plus urgente aujourd’hui c'est l'élaboration d'une politique
alternative qui batte durablement la droite et l'extrême droite et la
politique gouvernementale. Cette alternative doit être portée par une
dynamique large, unitaire et démocratique rassemblant les forces de la
gauche de transformation sociale et écologique. Nous voulons rassembler
le Front de Gauche, la France insoumise, EELV, les socialistes
critiques, Nouvelle Donne, le NPA, les organisations et militants des
mouvements sociaux, les forces citoyennes, dès maintenant dans les
mobilisations comme en 2017, autour d'un programme et de candidatures de
rupture.
Un rassemblement pour une alternative sociale, écologique et
démocratique en développant les propositions suivantes (cf. document
publié par Ensemble mesures d'urgence pour rassembler une alternative) :
-
pour en finir avec l’austérité́ et contre la casse du Code du Travail,
-
pour le partage du travail et des richesses,
-
pour le développement de l’économie sociale et solidaire,
-
pour développer de façon écologique des productions industrielles et
agricoles qui assurent la préservation de notre environnement
-
pour l’engagement de la transition énergétique et l’arrêt des grands projets inutiles,
-
pour l’accès de tou-te-s aux droits fondamentaux (santé, logement...),
-
pour un véritable pouvoir de décision des citoyens dans une 6ème république,
-
contre le racisme, le sexisme, l’homophobie et toutes les formes de discriminations,
-
contre les replis nationalistes, la fermeture des frontières et les logiques de guerre,
-
pour une autre Europe émancipée de la domination des marchés
financiers, des banques et des multinationales, en rupture avec les
traités qui l’organisent (Maastricht, Lisbonne, TAFTA...),
-
pour l’accueil des réfugiés, pour la paix dans la justice et le
respect des droits des peuples, pour la coopération et la solidarité́
internationale.
Un rassemblement populaire et citoyen, ouvert et dynamique, qui
soit porteur d’un nouvel espoir face à une gauche de droite, à une
droite réactionnaire et libérale et à un Front National toujours plus
menaçant. Un rassemblement dont le mouvement social en cours contre la
loi travail renforce le besoin. En même temps qu’il le reconfigure avec
l’émergence d’une nouvelle génération militante demandeuse d’innovation
politique, de démocratie directe, d’horizontalité et
d’auto-organisation. Et que s’y manifeste un désir de convergence des
luttes et de jonction entre leurs différents animateurs (syndicats,
associations, assemblées Nuit Debout...) qui le nourrit et l’actualise.
Une volonté d’union pour une alternative à gauche s’affirme avec l’
« appel des 100 » initié avec des militants syndicalistes, associatifs
et politiques. Cela représente un point d’appui durable important pour
avancer que nous travaillons à consolider et à amplifier pour contribuer
à construire une base programmatique pour le changement politique par
les luttes et les élections.
Ensemble ! mettra tout en œuvre pour que ce rassemblement se
concrétise pour 2017 et les années qui suivront où le bilan de faillite
du gouvernement Hollande Valls et l’extrémisation de la droite, après
des décennies de néo-libéralisme, appelleront de profondes
restructurations des forces qui combattent pour l’émancipation. Aussi,
tous les choix engagés pour les élections de 2017 doivent partir de
cette question : favorisent-ils cette reconstruction indispensable ?
Notre objectif est de créer un rassemblement d'un type nouveau, qui
réponde aux aspirations qui se sont exprimées dans le mouvement social,
profondément pluraliste, démocratique, horizontal, refusant la
personnalisation des débats, et qui ne vise pas à se construire autour
d'un seul courant ou d'une seule force politique. C'est un véritable
mouvement populaire et citoyen qu'il nous faut viser.
Pour la Présidentielle, Ensemble défend une candidature de large
rassemblement et ne se résigne pas à la dispersion des forces. Une
proposition de candidature, critique du gouvernement, mais qui ne se
situe pas dans une logique de rupture avec le libéralisme et de
confrontation avec le patronat et la finance ne peut constituer une
alternative.
Nous voulons que cette candidature résulte d’une construction
collective impliquant toutes les forces concernées. Elle peut être celle
de Jean Luc Mélenchon, seul candidat déclaré à ce jour, ou d’un autre
candidat qui pourrait permettre de rassembler largement.
La proposition de candidature de Jean Luc Mélenchon a rencontré un
large écho populaire et entraîne une dynamique militante. Mais le
mouvement « La France insoumise » ne rassemble à ce jour qu’une partie
des forces disponibles pour une alternative. Avec la mobilisation contre
la loi travail, le mouvement des Nuits Debout, c’est un mouvement
horizontal, pluraliste et démocratique, qui ne construise pas autour
d’une seule force politique, dont il faut poser les bases.
Nous regrettons que cette candidature n’ait pas pu être discutée
collectivement avec les formations du Front de Gauche, mais il existe un
socle commun constitué par l’Humain D’abord.
Ensemble propose à Jean Luc Mélenchon et aux forces de la France
insoumise d'engager des discussions sur les échéances présidentielles et
législatives de 2017. Nous voulons débattre de la nature du
rassemblement à construire, du programme à défendre et de voir comment
sa candidature pourrait s’inscrire dans un cadre commun. Pour cela
Ensemble rencontrera dès juin 2016 Jean Luc Mélenchon et les forces de
la France insoumise pour débattre de ces enjeux.
Dans le même temps, nous rencontrons toutes les forces concernées
(Front de Gauche, EELV, Nouvelle Donne, NPA, socialistes en rupture avec
le gouvernement, animateurs du combat contre la loi travail...).
Pour les élections législatives, nous nous fixons comme objectif de
réunir partout où c'est possible des candidatures communes de l'ensemble
des forces de la gauche de transformation sociale. Il est possible de
construire une plate-forme commune qui, sur cette base, permette
d’engager le débat dans des circonscriptions et d’envisager des
candidatures communes ou un soutien réciproque dans les circonscriptions
et d’assurer l’élection de député-e-s vraiment à gauche. La division
doit être évitée à tout prix pour éviter une nouvelle dégradation des
rapports de force.
Nous proposons à tous d’organiser à la fin de l’année des assises de
la transformation sociale et écologiste rassemblant toutes celles et
tous ceux qui veulent affirmer leur opposition aux politiques
austéritaires et sécuritaires menées alternativement par la droite et
le Parti Socialiste.
Pour la présidentielle et les législatives, nous défendrons dans nos discussions avec ces partenaires :
-
que des groupes de base citoyens jouissant d’une grande autonomie soient constitués pour mener la campagne,
-
que des mécanismes démocratiques, à inventer en grande partie,
soient mis en œuvre pour que ces groupes de base citoyens soient partie
prenante de l’orientation et de l’organisation des campagnes
présidentielle et législatives (réunions locales et nationales de ces
groupes, modes de délégation),
-
Qu’une méthode soit décidée pour constituer un socle commun programmatique
-
que la campagne doit être nationalement et régionalement conduite par
une équipe représentative des sensibilités politiques et des groupes de
base citoyens ayant décidé́ de s’y associer, autour d’un porte-parole
collectif,
-
avec des méthodes répondant aux exigences démocratiques telles
qu’elles s’expriment aujourd’hui dans le mouvement social (Nuit Debout,
etc...).
Un Collectif National les 1er et 2 octobre 2016 fera le bilan de
ces objectifs et décidera des modalités de poursuite du débat dans
Ensemble (aboutissement d’un consensus, nouvelle consultation des
adhérents).
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